- PRÉCIPITATIONS (météorologie)
- PRÉCIPITATIONS (météorologie)Les précipitations (bruine, pluies, neige, glace, grésil, grêle, givre) sont généralement issues des nuages et des brouillards, eux-mêmes constitués de microgouttelettes d’eau dont les dimensions s’échelonnent de quelques micromètres à 20 ou 30 micromètres au maximum, selon la nature et l’âge du nuage. Ces microgouttelettes sont formées au sein même des masses d’air à la suite des processus thermodynamiques de changement de phase sur les noyaux de condensation; leur nombre variant de plusieurs dizaines à quelques centaines par centimètre cube, elles sont parfaitement stables tant qu’elles se trouvent en équilibre de tension de vapeur avec le milieu ambiant.Les très faibles vitesses de chute, en régime dit de Stokes, des particules de l’ordre de quelques micromètres maintiennent en altitude les éléments constitutifs du nuage, leur genèse étant d’ailleurs imputable à des mouvements ascendants de l’atmosphère dont les vitesses sont supérieures de plusieurs ordres de grandeur aux vitesses de sédimentation des microgouttelettes. Sauf dans les conditions rarissimes de serein , l’explication des précipitations ne peut être trouvée que dans le changement d’échelle de certains éléments constitutifs des nuages. Lorsque la taille atteinte par ces éléments est de l’ordre de 50 micromètres, la précipitation devient perceptible et prend le nom de bruine si elle est à l’état liquide. Ce n’est qu’au-delà de ce seuil d’environ 50 micromètres que les précipitations se font sous forme de pluie, avec un spectre de dimensions allant de quelques dixièmes de millimètre à un maximum de 4 ou 5 mm pour certaines pluies d’orage ou d’averse [cf. ORAGES].Lorsque la température de l’air est inférieure à 0 0C, les précipitations se présentent initialement sous forme de microcristaux, puis de flocons de neige, ou de neige roulée, quelquefois sous l’aspect de sphérules de grésil (d’un diamètre de l’ordre du millimètre), et enfin, mais rarement, sous forme de grêle. Le poids et les dimensions du grêlon sont extrêmement variables: inférieurs au gramme pour les plus modestes, les poids atteignent parfois quelques centaines de grammes dans des conditions exceptionnelles.Enfin, le sol et la végétation peuvent recevoir un poids important d’eau transformée en glace dans des situations à givrage sévère. Il ne s’agit pas là de précipitations au sens formel du mot; il y a seulement transferts en phase vapeur (des molécules d’eau en phase vapeur se transfèrent sur les gouttelettes formées auparavant, ce qui augmente le volume de ces dernières; cf. CONDENSATION [météorologie] ou capture d’éléments par impaction. Le phénomène n’est d’ailleurs pas toujours négligeable et il arrive que le poids des masses de givre ainsi formées soit suffisant pour créer des dommages aux arbres, aux câbles électriques et aux superstructures des charpentes métalliques.Microphysique des précipitationsDeux mécanismes permettent le changement d’échelle indispensable pour que puissent se former, dans la masse nuageuse où les vitesses de chute des microgouttelettes sont négligeables, des éléments de dimension suffisante susceptibles de précipiter. Les vitesses limites de chute des microgouttelettes et des gouttes de pluie se répartissent en effet selon le diamètre de celles-ci, comme l’indique le tableau.Les deux premières colonnes de ce tableau se rapportent aux diamètres marquant l’échelonnement entre les dimensions habituelles des éléments du nuage pour lesquels les nombres de Reynolds [cf. HYDRAULIQUE] correspondants sont compris entre 0,01 et 1,7. Les deux colonnes de droite concernent les gouttes de pluie ayant des nombres de Reynolds allant de 250 à 2 500 environ. Au-delà de 4 mm de diamètre, les vitesses de chute des gouttes de pluie ne croissent pratiquement plus: la vitesse limite est de 9 m/s pour des gouttes de 5 mm de diamètre, de 9,20 m/s pour 5,8 mm. Une grosse goutte de pluie ne garde pas la forme sphérique; elle se déforme, vibre en cours de chute et présente une face aplatie à l’amont, sa traînée augmentant considérablement. Elle devient rapidement instable et se brise en plusieurs fragments [cf. ORAGES].Pour atteindre des dimensions correspondant à des vitesses de chute significatives, les diamètres des microgouttelettes doivent croître dans un rapport d’au moins 10 et plus généralement 100, ce qui correspond en volume, donc en poids, à un changement d’échelle de 1 000 à 1 000 000. Si l’on espérait de la seule condensation un accroissement en poids de cette nature, il faudrait, dans les conditions normales de formation de la phase liquide sur des noyaux de condensation, attendre plusieurs heures, voire une journée pour obtenir les diamètres correspondant à une pluie d’averse. Compte tenu de la durée de vie des cellules convectives et des vitesses des courants ascendants, surtout dans les nuages des systèmes frontaux, il apparaît immédiatement que d’autres mécanismes sont responsables du déclenchement des précipitations.On ne peut retenir comme mécanisme d’accroissement les captures au sein du nuage entre les éléments de ce dernier. Le calcul des probabilités montre qu’il y a impossibilité de réaliser 1 000 et a fortiori 1 000 000 de captures successives en un temps comparable à celui de l’induction d’une précipitation naturelle. De plus, les expériences de laboratoire ont montré qu’entre microgouttelettes de même échelle, même si ces dernières entrent en collision, les faibles vitesses relatives au moment de l’impact n’assurent pas la coalescence, tout se passant comme si les chocs étaient élastiques et les microgouttelettes protégées par leur tension superficielle et une couche limite gazeuse. De même, ni l’hypothèse des charges électriques de signes contraires ni l’attraction hydrodynamique de deux gouttes voisines en cours de chute ne peuvent expliquer le démarrage du phénomène de changement d’échelle.Mécanisme de BergeronUne explication rationnelle fut proposée en 1936, en premier lieu, par Tor Bergeron. Lorsque, au cours de son développement vertical, le nuage atteint des températures négatives, la surfusion des microgouttelettes devient la règle et seuls quelques rares éléments peuvent se congeler; la fréquence d’apparition de la phase glace croît d’ailleurs lorsque la température s’abaisse. C’est alors qu’interviennent des mécanismes extrêmement rapides de transfert par l’intermédiaire de la phase vapeur entre les gouttelettes en surfusion du nuage et les cristaux qui ont fait leur apparition car, pour une même température négative ambiante, la tension de vapeur de l’eau en surfusion est toujours supérieure à celle régnant au-dessus de la phase glace. Une véritable distillation intervient au bénéfice des cristaux; ces derniers prennent rapidement des dimensions telles que leur vitesse de chute devient non négligeable. Ils descendent alors en croissant, à la fois par transferts de vapeur d’eau et par capture mécanique des gouttelettes qui peuvent geler rapidement à leur contact. Les cristaux de neige qui se forment ainsi s’agglutinent en flocons et atteignent le sol, si les températures restent négatives jusqu’à ce niveau. Si les températures au sol et dans les couches inférieures de l’atmosphère sont positives, le flocon de neige commence à fondre en traversant l’isotherme 0 0C. En cours de chute, il continue sa fusion et se transforme ainsi en goutte de pluie.Précipitations des nuages chaudsSi le mécanisme de Bergeron est responsable des précipitations pour des nuages franchissant nettement l’isotherme 0 0C et atteignant des altitudes où la température est comprise entre 漣 10 et 漣 30 0C, il n’explique pas les précipitations provenant de nuages convectifs n’atteignant pas cette isotherme. Or, des précipitations abondantes proviennent de ces nuages dans les régions intertropicales, ou pendant l’été dans les zones tempérées, particulièrement dans les masses d’air maritime.Un mécanisme de départ analogue au mécanisme de Bergeron a été proposé lorsque Henri Dessens, en 1947, a mis en évidence la présence dans l’atmosphère de très gros noyaux de condensation, formés de chlorure de sodium, et pouvant atteindre des dimensions de l’ordre du micromètre. Ces particules salines, provenant de la dessiccation des microgouttelettes d’embruns arrachés à la mer, se rencontrent effectivement dans les masses d’air maritime, même à grande distance des côtes au-dessus des continents.Sur ces noyaux hygroscopiques géants, la condensation dans une première phase amènera la déliquescence, puis la dissolution de la particule de sel. Il y a donc en présence une population de gouttelettes formées sur des noyaux de condensation ordinaire, et quelques rares gouttelettes où la concentration en sels hygroscopiques est suffisante pour abaisser à leur surface la tension de vapeur. Les autres éléments du nuage, constitués d’eau pratiquement pure, resteront en équilibre avec la tension de vapeur correspondant à la température ambiante. Les lois de Raoult gouverneront alors les transferts en phase vapeur qui, comme pour le mécanisme de Bergeron, se traduiront par la distillation des gouttelettes ordinaires au bénéfice des éléments formés sur les noyaux hygroscopiques géants. Toutefois, à la différence de ce qui se passe pour un cristal de glace dont la croissance par transfert de vapeur est continue, le noyau hygroscopique n’offre qu’une réserve limitée de sel, et, lorsque la dilution dans la gouttelette devient trop importante, la différence de tension de vapeur entre eau pure et solution devient négligeable et le grossissement de la goutte s’arrête de lui-même. L’essentiel est que, dans un temps raisonnable, cet élément hétérogène du nuage ait atteint un diamètre suffisant (quelques dizaines de micromètres) pour que sa vitesse de chute devienne notable par rapport à celle des autres éléments, et que commencent alors les captures par collision.Mécanisme des réactions en chaîne de LangmuirC’est Irving Langmuir qui, le premier, formula la théorie des processus de capture en chaîne lorsque, dans un nuage, s’amorce une hétérogénéité dans une population de microgouttelettes. En calculant le coefficient de captation sur la trajectoire d’une gouttelette de vitesse de chute notable dans une atmosphère nuageuse, il démontra que les captures par impactions successives pouvaient devenir rapidement significatives et amener la formation de grosses gouttes de pluie. Si l’on tient compte des courants verticaux existant dans les nuages convectifs, le temps de résidence en atmosphère nuageuse d’une goutte de pluie en voie de formation par coalescence devient acceptable. De plus, la rupture des grosses gouttes dynamiquement instables, la reprise de leurs plus gros fragments dans les ascendances et l’action continue du mécanisme de capture par coalescence sur ces fragments produisent une véritable réaction en chaîne, suffisante pour expliquer l’importance des pluies de ce type, alors que les concentrations en noyaux hygroscopiques géants sont a priori notoirement insuffisantes pour justifier l’abondance de ces précipitations.Si les changements d’échelle entre microgouttelettes de nuages ne peuvent intervenir de façon sensible que dans les conditions des mécanismes de Bergeron et de Langmuir, des coalescences en nombre limité peuvent néanmoins se produire sous l’effet des charges et des champs électriques, ou par inertie, lorsque la turbulence atteint une échelle suffisante pour rendre notables les écarts de vitesses relatives entre microgouttelettes voisines, principalement aux frontières des tourbillons.Les précipitations formées au sein du nuage quittent ce dernier en franchissant le niveau de condensation qui en marque la base. Si elles ne sont pas assez importantes, ou si le degré hygrométrique de l’atmosphère entre le sol et la base du nuage est trop loin de la saturation, ces précipitations peuvent s’évaporer à nouveau avant d’atteindre le sol, surtout lorsque la base du nuage est à une altitude élevée. Ce phénomène est relativement courant à certaines saisons, et ces précipitations prennent alors le nom de virgae .Mécanisme de formation de la grêleLa grêle est un phénomène mal connu et très combattu dans toutes les régions du monde en raison de ses effets dévastateurs sur les récoltes. De plus, la grêle est un phénomène capricieux : présente chaque année ou presque dans certaines régions, elle est rarissime ailleurs. Des grêlons ou amas de grêlons dépassant le kilogramme ont parfois été signalés, mais le physicien des nuages se refuse parfois à les expliquer sinon à les admettre. Les chutes de grêle sont caractérisées par une localisation relativement étroite: quelques centaines de mètres sur quelques kilomètres de long. Malgré la modicité des superficies sinistrées par la grêle, on peut estimer qu’en France, plus particulièrement dans la moitié sud, les dégâts infligés aux cultures riches sont de l’ordre de plusieurs milliards de francs par année.Les mécanismes thermodynamiques de formation de la grêle commencent à être suffisamment connus; en revanche, le ou les schémas de la structure du cumulo-nimbus susceptible de donner naissance à de la grêle sont encore assez hypothétiques. Dans un nuage type cumulo-nimbus à grand développement vertical, il existe des cellules où de véritables cheminées de plusieurs centaines de mètres de diamètre amènent en altitude l’air humide et chaud provenant des basses couches, et cela avec des vitesses pouvant atteindre et dépasser 30 m/s. Dans ces régions du nuage, la turbulence, les noyaux hygroscopiques et le mécanisme de Langmuir se relaient et s’unissent pour aboutir à la formation de la pluie. Mais, compte tenu des vitesses d’ascendance, toute l’eau liquide condensée en gouttelettes, puis rassemblée en gouttes de pluie, continue son ascension relative, car les plus grandes vitesses de chute pour les très grosses gouttes ne dépassent jamais 9 m/s. On doit donc observer une véritable accumulation d’eau en altitude.Effectivement, les radars indiquent toujours des échos très intenses, «suspendus» en altitude dans les nuages à grêle. Au fur et à mesure que cette accumulation d’éléments précipitants atteint des températures suffisamment négatives, la glaciation apparaît. Dans une première phase, la goutte de pluie se congèle en altitude et présente vraisemblablement l’aspect d’un grain de grésil. Le mécanisme de Bergeron et les captures mécaniques interviennent ensuite pour édifier couche par couche autour du germe initial les structures du grêlon. Cette croissance peut être relativement rapide: l’impact des éléments de nuage et de pluie par le grêlon au cours de sa chute se traduit par un coefficient de captation élevé compte tenu des vitesses relatives de ces éléments, mais l’eau en surfusion ainsi captée ne s’intègre pas obligatoirement au grêlon dans sa totalité, car la chaleur latente de solidification ramène le bilan thermique à des valeurs voisines de 0 0C; l’excès d’eau non congelée s’échappe alors dans le sillage du grêlon sous forme de gouttelettes.Comme les vitesses verticales d’ascendance sont élevées, les grêlons resteront en altitude jusqu’à ce que leur vitesse de chute propre devienne supérieure à celle de l’air dans les cheminées d’ascendance où ils se sont formés. C’est alors que la chute de grêle commence à se produire effectivement, et l’arrivée au sol se fera avec des vitesses d’impact considérables, fonctions du poids et du facteur de forme du grêlon, élément déterminant le coefficient de traînée.Ce schéma simplifié ne permet pas d’expliquer pourquoi la grêle n’est pas un phénomène beaucoup plus fréquent; des accumulations d’eau en altitude sont souvent clairement détectables au radar sans que pour cela des chutes de grêle soient observées. Il semble qu’une faible concentration en noyaux glaçogènes naturels efficaces soit une des conditions de la formation de la grêle et qu’un certain schéma dans la répartition des courants ascendants doive être en même temps réalisé.La première de ces hypothèses a bien entendu incité tous ceux qui essaient de lutter contre la grêle à agir le plus simplement du monde en introduisant des noyaux glaçogènes artificiels au sein ou à la base du nuage.Pluies sans nuage, rosée et givrageLe serein , qui ne saurait être mieux défini que par l’expression «pluie sans nuages», est un phénomène également assez rare se présentant surtout l’été ou dans les régions tropicales en air maritime. Si l’on admet que le spectre des noyaux de condensation présente parfois une répartition anormalement élevée de noyaux hygroscopiques géants par rapport à une population de noyaux moins efficaces, on peut comprendre que seuls les premiers commenceront à utiliser la phase vapeur disponible et que, dans ces conditions, tant que la concurrence des autres noyaux n’est pas intervenue, seuls les «noyaux géants» prélèveront l’eau disponible dans l’atmosphère. La croissance peut ainsi être très rapide, et des gouttes assez larges mais peu nombreuses parviennent au sol sans qu’il y ait de nuages visibles, sinon parfois de place en place. En altitude, dans les régions équatoriales, ce phénomène se trahit par la formation d’un arc-en-ciel dans un ciel pratiquement sans nuage, mais sans que les précipitations puissent en général atteindre le sol.Enfin, les apports d’eau atmosphérique au sol peuvent provenir de phénomènes très superficiels comme la rosée , qui n’est pas une précipitation (cf. CONDENSATION [météorologie]), ou le givrage , en montagne ou dans les mers polaires, qui correspond bien en revanche à un apport d’eau par un nuage, en partie dû à des phénomènes de transfert par l’intermédiaire de la phase vapeur et en partie par captures directes des éléments en surfusion des nuages ou brouillards, ce qui est par définition un type particulier de précipitation.Moyens d’investigation et de mesureLa technique de mesure des précipitations la plus ancienne et la plus simple consiste à utiliser un pluviomètre, sorte de seau calibré à bords vifs, définissant une surface réceptrice standard de collection des précipitations. La hauteur au-dessus du sol doit être définie au préalable; les géométries du pluviomètre et de son support introduisent, en présence de vent même modéré, des zones tourbillonnaires perturbatrices, et enfin les interactions de bâtiments ou d’arbres trop proches sont toujours à éviter. Il faut implanter un réseau relativement dense de pluviomètres si l’on veut estimer, par exemple, les hauteurs d’eau reçues par un bassin versant. Reste encore le problème de la mesure de la quantité d’eau ainsi recueillie par chaque appareil. L’adaptation des radars à la détection puis à la mesure est une technique coûteuse certes au départ, mais finalement rentable, tant pour la mesure des précipitations que pour la recherche en physique des nuages.L’intensité d’un écho radar sur une précipitation est donnée par la formule: nd 6/4, dans laquelle n est le nombre, par unité de volume, d’éléments précipitants détectables de diamètre d et la longueur d’onde utilisée. En principe, on peut donc lever l’indétermination entre n et d en utilisant plusieurs radars travaillant sur des bandes de fréquences différentes. Toutefois, compte tenu des fluctuations de l’écho, des circuits assez complexes d’intégration et de traitement du signal doivent compléter l’équipement habituel du radar si l’on désire obtenir par visualisation les contours des isoéchos et traiter sur ordinateur des valeurs préalablement numérisées. De plus, le choix des fréquences utilisables est limité. Pour des raisons d’atténuation par absorption, seules les longueurs d’onde de 5 à 10 cm sont convenables sur de grandes distances avec un pouvoir de pénétration suffisant.En outre, pour les études de physique des nuages, le radar se révèle être un instrument remarquable. C’est grâce à lui que l’on a pu classer les structures de zones de pluie dans les nuages d’averses et dans les systèmes frontaux. Les structures en colonne des précipitations de nuages convectifs ont pu être suivies dans leur évolution souvent très rapide. La «bande brillante» de l’isotherme 0 0C permet de retrouver la signature des pluies type Bergeron par suite de la fusion superficielle des structures du flocon de neige au voisinage de 0 0C, la phase liquide ayant un coefficient de réflexion près de cinq fois plus élevé que la phase glace. Mais c’est surtout pour l’étude des nuages à grêle que l’utilisation de plusieurs radars, travaillant sur deux ou trois fréquences différentes, est la plus fructueuse. La détection des nuages grêligènes peut être systématiquement assurée par une veille radar de ce type qui permet en outre de contrôler l’efficacité des interventions par noyaux glaçogènes artificiels.Déclenchement artificiel des précipitations et lutte contre la grêleL’homme a toujours caressé le rêve d’être un jour le maître de la nature, et notamment de la pluie et du beau temps. Une meilleure connaissance de la physique des nuages a remplacé les incantations magiques. Mais on ne fera jamais tomber la pluie d’un nuage qui ne présente pas les caractéristiques d’un nuage précipitant, ou d’un nuage qui n’aurait pas encore atteint le degré d’évolution (de maturité) convenable.Les moyens de déclencher des précipitations sont le mécanisme de Bergeron (on introduit des noyaux artificiels de congélation en nombre suffisant et de seuil d’efficacité plus bas que celui des noyaux naturels présents) et, pour les nuages chauds ne dépassant pas les isothermes négatives, le saupoudrage par des particules salines convenables jouant ici le rôle de noyaux géants hygroscopiques de condensation.Parfois, au lieu de disperser des aérosols de noyaux glaçogènes isomorphes de la glace pour entraîner son apparition par épitaxie, on utilise des sources frigorigènes intenses (emploi de glace carbonique ou détente de propane) pour agir sur les nuages en surfusion en descendant à la température critique de congélation homogène spontanée qui est de 漣 40 0C environ. Le problème est de savoir si le nuage choisi pour une expérience d’ensemencement ne va pas, sans intervention de l’homme, précipiter de lui-même quelques instants plus tard. Le contrôle ne peut plus être que statistique: on utilise des zones cibles et des zones témoins soigneusement choisies. Les difficultés d’apporter une preuve formelle d’efficacité sont ainsi plus grandes que celles découlant de la mise en œuvre des techniques opérationnelles d’intervention. Il semble néanmoins que, dans les cas favorables, sur des nuages orographiques en particulier, des pourcentages d’accroissement de l’ordre de 10 p. 100 des hauteurs moyennes de précipitation puissent être obtenus.Plus complexe et plus aléatoire est la lutte contre la grêle. Si le principe d’intervention est le même (apporter le complément de noyaux glaçogènes pour diviser sur un grand nombre d’éléments précipitants toute l’eau liquide qui ne se répartirait autrement que sur quelques gros grêlons), les techniques et la logistique à utiliser sont ici plus onéreuses. Sans nier la possibilité d’un «empoisonnement» généralisé de l’atmosphère de toute une région par des noyaux glaçogènes artificiels, il est néanmoins plus facile d’apporter la preuve de l’efficacité de l’intervention si ces noyaux sont dispersés par un vecteur approprié (canon ou fusée) dans la zone où les radars ont détecté des concentrations anormales d’eau condensée. Malgré cela, tant que l’on ne saura pas à première vue identifier le ou les modèles de cumulo-nimbus grêligènes, l’absence de chute de grêle n’apportera pas obligatoirement la preuve de l’efficacité de l’intervention.Des résultats statistiques encourageants ont été obtenus dans certains pays, en ex-Union soviétique notamment, mais des échecs ont été également constatés malgré tout le support logistique et scientifique apporté à ces expérimentations. On peut espérer néanmoins qu’un jour les moyens de lutte contre la grêle seront suffisamment développés pour que les dommages portés aux cultures soient rendus négligeables.De toute façon, dans toutes les actions d’intervention artificielle, il ne faut pas croire qu’un nuage, une fois formé, demeure un système statique. Tant à l’échelle microphysique que dans sa structure et dans son apparence extérieure, le nuage évolue sans cesse. En particulier, lorsque des conditions naturelles suffisantes sont réalisées pour que les précipitations puissent prendre naissance, la pluie ne «vide» pas le nuage de son contenu en eau condensée disponible. Seul un faible pourcentage, 10 p. 100 parfois, de cette eau condensée atteindra le sol. En revanche, la continuité de la pluie est due aux mécanismes naturels d’entretien du nuage lui-même. Pour chaque type de nuage, une «durée de vie» donnée est en général prévisible et les hauteurs totales de pluie atteignant le sol dépendent à la fois de l’intensité des précipitations et de la persistance des mécanismes d’entretien.Un nuage se forme, passe par une période de maturité compatible ou non avec l’apparition de précipitations, puis disparaît par réévaporation des gouttelettes qui le constituent. C’est seulement au cours de la phase de maturité qu’une action de l’homme a des chances de réussir, mais seulement lorsque les conditions naturelles régissant les processus de précipitation sont déjà pratiquement réalisées.
Encyclopédie Universelle. 2012.